DIEU PROTÈGE CEUX QUI S'AIMENT

La page "accueil" de ce site débute par l'énoncé suivant: "C'est l'histoire d'un homme qui pensait que l'amour ne pouvait qu'émouvoir Dieu et de ce fait protéger ceux qui s'aiment!"

Ce précepte a été longtemps le mien. Il m'a bien souvent servi d'adjuvant moral, permis d'espérer, de croire réellement en un avenir meilleur.

Mais à force de subir maint et maint revers, d'endurer de trop nombreuses épreuves, plus pénibles les unes que les autres, de vivre trop longtemps avec la peur du lendemain, il est difficile, voire impossible de conserver un quelconque espoir. Les quinze dernières années de notre vie commune furent particulièrement problématiques, dramatiques. Ils nous faut courber l'échine, ne pas sombrer plus encore, surtout ne pas trouver l'autre unique responsable de ses malheurs, ne pas accabler Dieu ....!

Epuisé, surmené, lassé de ne jamais entrevoir d'éclaircie, vous abandonnez vos projets devenus alors utopiques. Terrassé, avouant la défaite, on cesse de livrer bataille contre la misère qui s'est installée sournoisement. "Vos amis", vos "connaissances", finissent par vous éviter, par ne plus vous connaître et même vous reconnaître. Vos malheurs seraient-ils contagieux? L'amitié "vraie" fait place à une hypocrisie latente, puis celle-ci, très vite, à une absence définitive. Vous n'existez plus, vous êtes purement et simplement abandonnés. Si l'isolement social vous plonge plus encore dans le désarroi, c'est pourtant à ce moment précis que vous pouvez mesurer l'ampleur et la valeur réelle des liens affectifs avec votre conjoint, vos enfants.

Nous, nous sommes restés unis, aimants. Sa main est demeurée ferme dans la mienne, son regard plus que jamais déterminé à apaiser le mien. Nous avons autant que possible fait face, accepté notre destin, assurés d'être toujours là pour l'autre, chacun tentant de soulager la peine de l'être aimé en veillant à cacher le mieux possible ses propres inquiétudes. Jamais, au grand jamais, ces tragiques vicissitudes n'ont réussi à mettre en péril notre couple, n'ont affaibli notre amour. Nous avons eu la force de ne pas accuser l'autre, de ne pas le rendre seul responsable de cette situation problématique. 

L'érosion de la Foi

Par contre, elles ont érodé notre foi, notre espérance en l'Être Suprême, en Dieu. Elles ont mis en doute l'utilité de la prière, de l'offrande
nécessaire, de la parole de l'évangile. D'un commun accord, comme toujours, nous nous sommes surpris a vouloir en même temps, au même moment exposer à l'autre nos doutes, déclarer définitive l'absence d'espérance dans la religion. Chrétien, peu pratiquant, nous préférions, elle et moi, prier dans le silence des églises vides, dans l'intimité des petites chapelles et la beauté simple mais tellement prenante des oratoires. Pourtant, à chaque fêtes, baptêmes, communions, mariages ou lors de cérémonies d'obsèques, nous communions avec ferveur. Et parfois, par la
grâce de Dieu, nous sentions en nous un amour infini nous envahir générant une merveilleuse sérénité, malheureusement toujours trop brève. Ce soir là, après avoir longuement exploré notre histoire, remémorés nos souvenirs, calculé le ratio des prières exaucées, réaffirmé l'absence de contacts avec nos proches disparus, nous avons conclu qu'en fin vie, le néant total était la probabilité la plus vraisemblable. Fini les prières spécifiques, les neuvaines régulières, les cierges allumés, l'échine courbée, les genoux à terre! De toutes façons, cela ne pouvait rien changer à nos vies, nous allions conserver les mêmes comportements, affronter les mêmes épreuves. Incrédules, nous devenions moins soumis et surtout plus réalistes, enfin, nous le pensions!

L'avancement de la maladie, l'imminence de son implacable échéance, cause encore une terrible épreuve, qui est, hormis la séparation définitive, la plus dramatique et la plus pénible qui soit.

Dans la chambre du service des soins palliatifs, nous remplissons, cet après-midi là, un affreux document, celui des dernières volontés du malade, du mourant. Il lui faut prendre, en toute liberté d'esprit, sans aucune contrainte, ses dernières décisions, organiser son départ, ses ....obsèques. Il me faut, par amour, accepter, sans aucune remarque, chacune de ses décisions et promettre que dans la mesure du possible elles seront appliquées. Je l'aide à remplir ce formulaire basique, impersonnel. Je ne veux en aucun cas l'influencer. Je ne fais que mettre les croix dans les petites cases correspondantes à ses choix.

L'amour ne meurt pas

"Christian, depuis quelques jours, la fin se fait plus
ressentir, c'est indéniable, elle très proche et il serait sot d'espérer une quelconque amélioration même très passagère. Tu sais que ce n'est pas la mort qui me fait peur, non, c'est de devoir encore subir ces derniers gestes médicaux qu'ils veulent effectuer, pour me ... soulager! La façon de mourir, elle, me fait peur, je ne veux pas partir en étouffant. Ah si Dieu pouvait entendre ma prière et me reprendre sans que je puisse m'en rendre compte".

"Dieu ? je pensais que tu ...."

"J'ai beaucoup pensé à nous, aux enfants. La seule espérance que j'ai encore aujourd'hui, ce qui me rend forte, c'est cette flamme qui s'est rallumée au plus profond de moi. Je la sens depuis peu grandir en moi, c'est comme une .... je ne trouve pas comment te dire, ... une renaissance, oui, c'est ça ... moi qui suis si proche de mou... partir. Je suis maintenant certaine qu'il est impossible que tout se termine comme ça, sans espoir de retrouvailles, alors, à quoi servirait l'amour?"

"De la mort en elle même, je n'ai pas peur et toi non plus, tu ne dois pas avoir de doutes. Nous ne serons pas séparés, je continuerai de vivre en toi, tu cultiveras mon souvenir, tu verras ou plutôt tu sentiras, ressentiras ma présence, la chaleur de mon amour."

"Tu as oublié, ma chérie, que nous avons décidé de partir ensemble la main dans la main, je viens avec toi, rien ne nous séparera ...."

"Comment veux-tu, ce sera déjà une terrible épreuve pour les enfants et nos petits-enfants. Tu sais qu'ils n'acceptent pas notre décision, qu'ils espèrent que tu renonces à notre envie de partir ensemble ...... tu n'es pas ... plus obligé, tu sais" (chapitre Ensemble, toujours). "Allez, nous aurons encore le temps d'en reparler. Accomplissons cette formalité avec espérance, tu verras, toi aussi elle sera ton réconfort"!

"Je désire aller à l'église, oui et je choisis la crémation, après, tu feras ce que tu voudras de mes cendres mais surtout fais attention de ne pas choquer nos petits-enfants".

"C'est très simple, ma chérie, tu resteras près de moi. Tu vois, c'est indiqué sur ce document, la loi autorise maintenant d'avoir l'urne chez soi et même de voyager à travers le pays ..."

"N'oublie pas que je n'aime pas les autoroutes"!

J'esquisse un léger sourire forcé, elle le remarque et se blotti dans mes bras en faisant fi de la sonde et des tuyaux de perfusions. Nous sanglotons mais très rapidement elle reprend le dessus.

"Tu auras des doutes, mon chéri, c'est immanquable"! "Mais cherche, toi aussi, et tu trouveras une raison ... non, la raison d'espérer. L'absence ne sera que physique, je sais que ce sera horrible pour toi ... ne pleure pas ... je serai toujours là tout contre toi. Je trouverai un moyen pour te le dire, pour que tu le sentes, pour que l'on s'aime encore, autrement bien sûr mais peut-être encore plus intensément! Un amour sans tâche, sans obligation, sans servitude, rien que le bonheur d'être ensemble. Tu vois, c'est moi qui serai en toi" ..... elle rit de sa bêtise.

Après avoir emplit toutes les cases et signé le document: "Je sais maintenant que tu avais raison, Dieu ne sépare pas ceux qui s'aiment. Cherche et tu trouveras aussi cette flamme qui te porteras, qui ...."

" Bonjour madame, monsieur ......"

Je ne veux pas mourir étouffée !

C'est l'assistante sociale et l'oncologue qui viennent nous entretenir de l'organisation du transport en ambulance (prévu pour le lundi suivant) vers l'hôpital universitaire et de l'intervention programmée pour le mardi (nous sommes vendredi après-midi). Craignant un risque rapide d'étouffement, ils (les différents intervenants médecins et chirurgiens) ont décidé de lui placer une endoprothèse œsophagienne et de "profiter" de cette "petite intervention" pour tenter de mieux cerner l'avancement de la maladie.

L'oncologue nous quitte après une petite heure et je règle les derniers détails avec l'assistante sociale pendant une heure encore.

Au-revoir, à lundi ..... elle dort?

Non, elle est dans sa bulle ....

Rose se tourne alors vers nous
et salue notre visiteuse d'un geste de la tête.

"Tu n'avais pas envie de parler .... ça va"?

"Tu vois que je peux étouffer, j'ai peur, je ne veux pas mourir comme ça ...."!

Mais non, s'ils attendent quatre jours c'est que ce n'est pas si urgent ...

Pardon, mille fois pardon!

Ereintée par l'entrevue elle dormit un peu mais malgré les antidouleurs, les antidépresseurs, son sommeil fut terriblement agité. Son réveil pire encore!

A deux reprises, elle arrache ses "tuyaux de survie" provoquant à chaque fois de petites hémorragies. Son sang coule le long de ses bras, maculant rapidement sa blouse et les draps de son lit. Elle n'en a que faire! Durant ces moments cauchemardesques mes supplications restent vaines, elle est terrorisée. Jamais au grand jamais je ne l'ai vue si perturbée, si "déboussolée". Deux heures sont passées sans aucune amélioration, c'est devenu insupportable, pour elle, pour moi, pour nous. Il lui faut pourtant encore attendre un peu pour bénéficier de nouvelles perfusions ... si elle les accepte.

A bout de ressources, éreinté, les nerfs à vif, je la menace alors de partir si elle ne se calme pas!

Oh mon Dieu, pourquoi ai-je dit cela. C'est affreux, tu aurais dû savoir, tu le sais, ma chérie, qu'au grand jamais, je ne t'aurais quittée ne fut-ce qu'une seule seconde .....

Elle est terrorisée

Mon Dieu, jamais je n'oublierai, cette scène, son regard suppliant!

Elle est maintenant agenouillée sur son lit les mains jointes, tendues vers moi. "Non, ne me laisse pas, je ne veux pas que tu partes ..... pardon, reste je t'en supplie". Faible, fragilisée, elle tombe de tout son long sur le matelas, tente de se redresser, se retrouve à quatre pattes ... mon Dieu ce regard, cette horrible vision ... . Bizarrement, cette mimique la rend plus belle que jamais. Est-ce sa fragilité aussi impudiquement exposée, cette supplication si intense, cet appel mêlé de peur mais aussi d'amour.

De cette scène aussi si horrible qu'elle fut, c'est d'abord la vision de sa beauté tellement délicate qui resurgit dans ma mémoire, puis viennent très vite les remords. Comme à chaque fois que je repense à cette crise, je pleure beaucoup en écrivant ce passage. Chaque jour qui passe (et sans aucun doute, jusqu'à mon dernier souffle), je lui demande plusieurs fois de me pardonner, de comprendre que je ne voulais que la calmer. Je n'avais pas imaginé qu'elle puisse réagir avec tant d'affolement. Ce moment dramatique, je ne peux l'effacer de ma mémoire comme si je méritais cette punition répétitive, incessante. Pardon mon amour, je ne voulais pas ....

J'avance vers elle, attrape ses mains, les écarte, me serre contre elle. Notre étreinte est intense et pourtant, pour elle aussi, sans plus aucune douleur. Nous ne sommes plus dans cette chambre aseptisée, nous planons, le temps n'existe plus. Nous sommes alors, l'un et l'autre, comme pénétrés par une même et merveilleuse sensation, le sentiment prodigieux d'aimer et d'être aimé. Nous ne faisons plus qu'une seule entité, nous ne sommes plus qu'amour.

Elle s'agrippe à moi de toutes ses forces, "j'ai tant besoin de toi près de moi"

"Oh mon amour, je ne voulais pas ..... tu le sais pourtant, jamais, au grand jamais .....

Elle avance ses lèvres contre les miennes; nos bouches, nos larmes, nos joues, nos corps sont brûlants ..... si ce baiser pouvait ne jamais finir.

Bonne nuit ma chérie

Les fortes doses enfin administrées finissent par la ramener à la raison. Vers vingt-trois heures, très gentiment, les infirmières de nuit viennent lui prodiguer une inhalation qui lui fit, très vite, le plus grand bien. Elle est très calme, très belle, m'adresse un sourire plein de compassion.

- Viens te coucher près de moi, prends -moi dans tes bras .... pardon pour ...

- Tais-toi, qu'est ce que tu racontes, tu n'as pas à
t'excuser... ne parlons plus de ça ... je t'aime!

- Moi aussi, je t'aime mon cœur, tu sais, je me sens maintenant envahie par un calme absolu, l'inhalation m'a fait le plus grand bien. J'ai l'impression de mieux respirer, ils auraient pu me la faire plus tôt, plus souvent. Demain matin je demanderai de m'en faire une autre!

Nous restons un bon moment l'un contre l'autre, je n'ose pas bouger de peur d'arracher ses "tuyaux" mais surtout je veux savourer ce moment, ces instants d'intense bonheur. Pas besoin de se parler, nous sommes tellement bien. Il y avait si longtemps qu'elle n'avait eu un tel répit.

Il lui était impossible, depuis des semaines, de rester couchée plus de dix minutes dans la même position. J'ai veillé durant cette période à toujours être présent, disponible, éveillé avec elle! Au fil des jours et des nuits, ses quelques heures de sommeil étaient la résultante de l'administration progressive d'antidouleurs. Mais aujourd'hui, c'était différent. Avec elle, allongée tout contre moi, sur cette couche trop étroite, nous étions sereins, conscients tous deux de partager un magnifique moment de plénitude.

"Christian, j'ai besoin de dormir maintenant ... toi aussi, il te faut dormir, nous avons encore tant d'épreuves à partager et puis il nous faut définitivement oublier cette affreuse journée ... sauf ce merveilleux baiser". Elle me sourit de tout son visage, avance ses lèvres et dépose un doux baiser sur les miennes.

"Tu es certaine que tu ne veux pas que je te lise la lettre de Bertrand"?

C'est notre plus jeune fils qui lui a écrit ces quelques pages pleines d'amour. Souffrant depuis trois jours il n'a pu nous rendre visite, mais là en cette fin d'après-midi il a absolument tenu à nous
l'apporter.

"Elle est pleine d'amour cette lettre, tu ...."

"Non, tu me la liras demain. Tu sais, même si tu as tenté de cacher ton visage, je t'ai vu la lire les yeux plein de larmes, je ne suis pas si bête. On est bien, demain il sera bien temps de replonger dans la triste réalité".

Après un nouveau long et doux baiser, je me couche sur le lit voisin du sien. Dans ce service, il est réservé à la personne accompagnant le malade en fin de vie. C'est la quatrième nuit que nous partageons dans cette chambre. Je me suis arrangé, dès la première, mais aussi lors de nos précédents séjours, à les rapprocher pour pouvoir tenir sa main quelques instants avant de nous endormir. Au fil des ans, nous respections cette habitude, devenue rituelle.

"Tu es très belle mon amour".

"Bonne nuit, mon cœur, à demain ... je t'aime"

"A demain, je t'aime moi aussi"

Nos mains se serrent un peu plus fort ...

Je la regarde dormir. Son sommeil est venu très vite. Malgré une rapide et importante perte de poids, elle a gardé toute sa beauté. Naturel, sans fard, sans rides, son visage, pourtant émacié, n'a rien perdu de sa grâce et à cet instant, son charme semble encore magnifié tant elle paraît calme et détendue. Elle respire doucement, régulièrement, elle est dans sa position de repos préférée, sur le côté, tournée vers moi, un peu en chien de fusil. Une nuit paisible lui semble enfin promise après cette affreuse journée ..... Doucement, précautionneusement je lâche sa main, lui murmure un "je t'aime, à demain" et brisé de fatigue, je m'endors, moi aussi.

L'absence n'est qu'apparence

Monsieur, monsieur,

J'ouvre les yeux, la lumière crue de la chambre me
déstabilise un peu ... Doucement, une main secoue mon épaule droite.

Oui ....?

Je suis désolée, monsieur .... mais ... votre épouse vient de décéder.......

Il est deux heures vingt cinq.

Je tourne ma tête vers son lit, hagard: Quoi, qu'est ce que vous dites ....?

Elle est là, si paisible, elle n'a pas bougé d'un pouce. Seule, sa bouche entrouverte révèle et confirme la cruelle réalité. Je me lève, qu'importe ma tenue, la prend doucement dans mes bras, la couvre de baisers.

"Qu'est ce que tu me fais, ma chérie, pourquoi partir pendant mon sommeil".

Les infirmières de nuit sont toujours là, compatissantes: "Nous sommes passées voir si madame n'avait besoin de rien et c'est en voulant prendre ses paramètres que l'on s'est rendues compte de sa.... de son départ. Rien dans sa posture n'indique qu'elle a ressentit une douleur, elle semble ne pas avoir bougé. Il n'y a pas longtemps qu'elle est décédée, la température de son corps n'a pas encore baissé. Nous sommes vraiment désolées, monsieur, mais si cela peut, un peu, vous consoler, croyez nous, notre expérience nous permet de vous dire ... de vous répéter ... de vous affirmer qu'elle est partie sans souffrir, sans s'en rendre réellement compte. Elle n'a pas tenté de se relever car quand nous sommes rentrées ses draps n'étaient pas défaits, son teint n'a pas bleuit ce qui veut dire qu'elle n'est pas morte étouffée, elle n'a pas manqué d'air" ...

"Vous désirez que l'on vous laisse seul un moment ... ça ira, ..."?

J'acquiesce en opinant de la tête, ....."merci".

"Vous n'aurez qu'à nous rappeler quand vous le souhaiterez"

L'amour éternel  

Je suis seul, sans elle, désespérément seul. Je pleure, la serre tout contre moi. Machinalement, je tente de fermer sa bouche ... "Rose ... Rose, tu m'entends"? "Je t'aime mon cœur, je t'aime tant ... tout le reste de ma vie je m'en voudrai de m'être endormi, j'aurais tant voulu te tenir dans mes bras". Je me balance d'avant en arrière entraînant son corps dans mes oscillations. Rien, plus rien! Elle ne répond pas à mes baisers, son corps tout entier est dépourvu de réaction ... c'est déjà le néant, l'absence ...

D'un coup, ma tête se tourne et mon regard se fige sur le coin supérieur gauche du plafond, l'angle le plus proche de son lit: "Tu es là mon amour, j'espère que c'est toi, que tu es là ...." Je ressens comme une présence, une étrange chaleur m'envahit mais elle ne dure que quelques instants. Je ne détourne pas le regard de cette encoignure: "Merci ma chérie, merci pour tout .... et pardon, pardon pour tout ce que tu méritais et que je n'ai pas su t'offrir, tout ce que je n'ai pas fait ..... tu suffisais amplement à mon bonheur .... pardon ... je t'aime .... ne m'oublie pas mon amour .... prie pour nous comme nous prierons pour toi".
J'ai parlé à voix haute, du moins j'en ai la nette impression ou est-ce par la pensée, je ne le saurai jamais. C'est réel pourtant, je m'adresse directement à toi et tu es encore présente mentalement, j'en suis certain. Je te sens si près de moi et il me semble même t'entendre (ce n'est pas vraiment ça, mais je ne trouve pas les mots pour décrire la façon de ressentir cet "échange") me dire ou plutôt me suggérer que notre histoire n'est pas finie et plus précisément encore que l'amour ne meurt pas ... pas le nôtre.

"Ce qui me réconforte un peu, ma chérie, c'est que tu es partie dans ton sommeil, sans crainte, Dieu a exaucé ton dernier vœu. Tu as enfin l'air détendue, heureuse même....". Moi qui connais la moindre expression de son visage, la signification de chacune d'entre-elles, je distingue l'apparence très légère d'un sourire béat ... Enfin, elle ne doit plus ressentir la moindre douleur! Définitivement fermés, ses yeux ne peuvent conforter cette douce et quelque peu "réconfortante" impression.

"Oui, tu es toujours là avec moi. Dieu nous donne cette merveilleuse espérance de rester à tout jamais réuni dans notre amour, dans son amour".

C'est le pire moment de ma vie et pourtant, frissonnant de tout mon être, je ressens au plus profond de moi naître cette folle et magnifique confiance, la certitude que Dieu protège ceux qui s'aiment. Que leurs amours sont, comme le Sien, éternels.


Mon Dieu, il faut prévenir les enfants, les pauvres!

Je décide d'appeler Benoît, notre deuxième fils, il est celui qui me semble le plus fort à supporter cette terrible épreuve, celui qui, devant la maladie de sa maman, a gardé les pieds sur terre, abandonnant rapidement tout espoir de la moindre amélioration. Il a eu la force de cacher ce sentiment à sa chère maman mais ses propos lors de nos conversations étaient fatalistes.

Je chipote, les yeux embués. Je ne m'aperçois pas qu'involontairement j'ai activé par erreur le numéro de Bertrand et qu'il est déjà à l'écoute.

Les infirmières sont revenues. Je leur parle de mon effroi d'appeler mes enfants. "Comment vont-ils réagir au décès de leur maman, comment faire, pensez-vous qu'il serait bien d'attendre l'aube, de les laisser encore un peu heur.... allo, allo c'est toi .... Bertrand"?

"J'ai tout entendu papa (il pleure), .... je préviens Fabrice et Benoît, nous arrivons tout de suite"!

Toujours garder l'espoir, vouloir et croire!

Dans le déchirement, le dénuement amoureux le plus total, anéanti, désespéré de se retrouver sans l'être chéri, celui ou celle qui aime vraiment, qui ne désire pas que la relation avec la personne aimée cesse, celui ou celle-là doit rechercher dans l'amour de l'Être Suprême (quel que soit le nom qu'on Lui donne) le réconfort, l'espérance. Pas besoin de prière spécifique pour l'émouvoir, il suffit d'être sincère. L'authenticité des sentiments, des pensées, la loyauté envers l'être aimé est et restera source de joie. L'amour pur, tenace et sans arrière pensée, finira par L'émouvoir. Alors, Il vous ouvrira grand le portail et vous retrouverez la trace indélébile de celui ou celle que vous cherchiez désespérément. Et dès lors, vous ressentirez tous les bienfaits de la continuation de votre amour.


Mon amour

L'absence n'est qu'apparence. Si elle peut, naturellement encore, être terrible, difficile à supporter, je veux dire que jamais, de ton vivant, je ne t'ai sentie si près de moi, si accessible. Dès que je pense intensément à toi, à nous, tu es là, présence vivante dans mon esprit. Qu'elle
que soit le jour, l'heure, tu es là. Quoi que je fasse, où que je sois, tu es là. Tu es là dans mes tâches quotidiennes, dans mes joies, dans mes peines, dans mes doutes. Tu es là partageant mes soupirs, mes sourires, mes larmes, mes émotions. Tu es là et si ma main ne ressent plus la tienne, si mon regard ne trouve plus le tien, si mes envies ne rencontrent plus ton désir, je sais pourtant que tu es là.

J'ai maintenant, quand je pense à toi, la merveilleuse faculté de pouvoir choisir à volonté ton apparence: Celle de tes seize ans qui m'ont immédiatement et définitivement fait chaviré (rassurez-vous, nous avions le même âge), celle radieuse de femme enceinte, de mère aimante, celle de la maturité, celle de cette photo ou de cette autre, de ce film, de ces souvenirs qu'ils évoquent, celle de ton élégance, de ta coquetterie, de ton éternelle beauté, de tes plus beaux sourires, celle de nos tendres secrets.

Aujourd'hui je ne peux plus poser ma tête sur ton épaule, percevoir dans tes yeux ton attachement et bénéficier de tes gestes apaisants mais je te confie plus sincèrement que jamais mes espérances, mes sentiments. S'il m'est devenu impossible de continuer à te cacher mes doutes, mes craintes, ma peur du lendemain, toutes ces incertitudes ont moins d'importance car j'ai maintenant et définitivement la profonde conviction que notre amour, lui, est éternel et
que tu seras là, présente, aimée et aimante au bout de mon chemin.


Je t'aime tant!
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